Unité d'habitation et mesurage Carrez : quand la loi téléscope la jurisprudence
Comment concilier efficacement obligations légales et principes jurisprudentiels lors d'un mesurage Carrez ? Voici bien une question difficile pour les professionnels chargés du mesurage lors d'une vente et ce, malgré les prescriptions claires posées par la loi. Question d'autant plus délicate que la loi prévoit la possibilité de recours en réduction du prix de vente si la surface mentionnée dans l'acte de vente est inférieure d'au moins 5% à la surface réelle du bien vendu.
Dans le cas des copropriétés, qui sont au centre de l'application de la loi Carrez, l'acte de vente doit obligatoirement mentionner la surface des lots de copropriété. Une obligation qui n'est pas sans poser certaines difficultés en ce qui concerne les surfaces et les lots à prendre en compte (les parties privatives) ou, au contraire, à exclure (les parties communes à jouissance privatives, les caves, les garages, etc.).
A cette première difficulté vient s'en ajouter une autre pour le professionnel chargé du mesurage : comment concilier l'obligation de mentionner la surface de l'ensemble des lots objet d'un acte de vente unique et la notion jurisprudentielle « d'unité d'habitation » ?
En effet, dans le cas de la vente en une seule fois de plusieurs lots, la jurisprudence considère de manière constante que la surface à prendre en compte est celle de « l'unité d'habitation ». Cette position peut entraîner, en fonction de la configuration des lieux, à intégrer certains lots qui, légalement, ne devraient pas être inclus dans le calcul de la superficie au sens de la loi Carrez. Ce sera par exemple le cas des lots dont la surface est inférieure à 8m2.
C'est la question qu'a dû trancher la Cour de Cassation le 16 septembre 2015. En l'espèce, les acheteurs de plusieurs lots d'une copropriété (formant de par leur configuration une « unité d'habitation »)avaient demandé en justice une réduction du prix au motif que la surface réelle de l'ensemble acquis était inférieure de plus de 5% à la surface mentionnée dans l'acte de vente. Laquelle résultait d'un mesurage Carrez.
Dans les faits, le mesurage avait été réalisé en tenant compte, dans l'unité d'habitation, d'une véranda privative construite sur une partie commune (le jardin). Cette partie, au sens de la loi Carrez, n'aurait pas dû être incluse dans le calcul de la superficie. Mais comme la vente portait sur une unité d'habitation, le professionnel qui avait réalisé le mesurage n'avait pas mentionné les superficies de chaque lot, se contentant d'un mesurage global en ne respectant pas une des exclusions de la loi Carrez. Autrement dit, en intégrant la surface de la véranda dans l'ensemble, la superficie privative totale de l'unité d'habitation vendue était supérieure à sa superficie réelle mesurée, sans que soit mentionné dans le certificat de mesurage l'existence d'un lot (la véranda) ne devant pas être pris en compte dans le mesurage.
Une erreur qui aurait pu être évitée si le professionnel en charge du mesurage avait mentionné dans son certificat la surface de chaque lot concerné par la vente, ce qui aurait permis d'expliquer clairement la différence constatée entre la superficie mentionnée à l'acte de vente (résultant du mesurage global incluant la véranda) et celle constatée par les acquéreurs (résultant de l'application des exclusions de la loi Carrez et donc, de la surface de la véranda).
Référence : Cour de cassation, 3ème chambre civile 16 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.137
Publié le 15 Octobre 2015